L’accès à l’assurance emprunteur peut s’avérer complexe pour les personnes atteintes de maladies ou présentant un risque aggravé de santé. La convention AERAS (s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé) a marqué une avancée significative dans ce domaine. Cependant, de nombreux défis persistent et de nouvelles solutions émergent pour faciliter l’accès au crédit des personnes malades. Examinons en détail l’état actuel de l’assurance de prêt pour les malades et les perspectives d’évolution dans ce domaine crucial.
Évolution de la convention AERAS pour l’assurance de prêt
La convention AERAS, mise en place en 2006 et régulièrement mise à jour depuis, a considérablement amélioré les conditions d’accès à l’assurance emprunteur pour les personnes présentant un risque aggravé de santé. Cette convention, fruit d’un accord entre les pouvoirs publics, les professionnels de la banque et de l’assurance, et les associations de patients, vise à faciliter l’obtention de prêts immobiliers, professionnels et à la consommation.
L’une des évolutions majeures de la convention AERAS a été l’introduction du droit à l’oubli pour certaines pathologies, notamment les cancers. Ce droit permet aux personnes guéries de ne plus avoir à déclarer leur ancienne maladie après un certain délai, facilitant ainsi l’accès à l’assurance aux conditions standard.
De plus, la convention a instauré un système d’examen des demandes à trois niveaux, permettant une analyse plus approfondie des dossiers complexes. Cette approche graduée offre de meilleures chances aux personnes malades d’obtenir une couverture d’assurance adaptée à leur situation.
La convention AERAS a permis de réelles avancées dans l’accès à l’assurance emprunteur, mais des défis persistent pour certaines pathologies et situations particulières.
Critères d’éligibilité actuels pour l’assurance emprunteur
Les critères d’éligibilité à l’assurance emprunteur dans le cadre de la convention AERAS ont été élargis au fil des années. Aujourd’hui, ils prennent en compte divers facteurs tels que l’âge de l’emprunteur, le montant et la durée du prêt, ainsi que la nature et l’évolution de la pathologie.
Grille de référence AERAS pour les pathologies
La grille de référence AERAS est un outil essentiel qui liste les pathologies pour lesquelles l’assurance peut être accordée sans surprime ni exclusion de garantie, ou avec des conditions se rapprochant des conditions standard. Cette grille est régulièrement mise à jour pour intégrer les progrès médicaux et offrir de meilleures conditions d’assurance pour un nombre croissant de pathologies.
Par exemple, pour certains cancers en rémission depuis plusieurs années, la grille prévoit des conditions d’assurance favorables, reflétant l’amélioration des pronostics médicaux. De même, pour des maladies chroniques bien contrôlées comme le diabète de type 2, la grille permet souvent l’accès à une assurance à des conditions proches du standard.
Délais de carence et périodes d’exclusion
Les délais de carence et les périodes d’exclusion restent des points sensibles dans l’assurance emprunteur pour les personnes malades. Ces périodes, durant lesquelles certaines garanties ne s’appliquent pas, varient selon les pathologies et les assureurs. Pour les maladies chroniques, par exemple, un délai de carence peut s’appliquer avant que la garantie invalidité ne soit effective.
Il est crucial de bien comprendre ces délais lors de la souscription d’une assurance de prêt. Dans certains cas, des négociations sont possibles pour réduire ces périodes, notamment pour les pathologies stables et bien contrôlées.
Plafonds de garantie par type de prêt
Les plafonds de garantie varient selon le type de prêt et la situation de l’emprunteur. Pour les prêts immobiliers, le plafond a été relevé à 420 000 euros dans le cadre de la convention AERAS. Ce montant concerne la part assurée cumulée des prêts éligibles. Pour les prêts professionnels, les plafonds peuvent être différents et dépendent souvent du projet financé.
Il est important de noter que ces plafonds ne garantissent pas automatiquement l’obtention d’une assurance. Ils définissent simplement le cadre dans lequel la convention AERAS s’applique pour l’examen approfondi des demandes.
Questionnaire médical simplifié : modalités et limites
Le questionnaire médical, étape clé dans le processus de souscription d’une assurance emprunteur, a été simplifié pour certaines situations. Depuis la loi Lemoine, entrée en vigueur en 2022, le questionnaire médical n’est plus obligatoire pour les prêts immobiliers inférieurs à 200 000 euros par personne et dont le terme intervient avant le 60ème anniversaire de l’emprunteur.
Cette simplification représente une avancée significative, permettant à de nombreux emprunteurs d’accéder plus facilement à l’assurance. Cependant, pour les prêts de montants plus élevés ou pour les personnes plus âgées, le questionnaire médical détaillé reste la norme.
Alternatives à l’assurance groupe pour les emprunteurs malades
Face aux difficultés persistantes pour obtenir une assurance emprunteur classique, plusieurs alternatives se sont développées pour les personnes malades ou présentant un risque aggravé de santé.
Délégation d’assurance et contrats sur-mesure
La délégation d’assurance permet à l’emprunteur de choisir librement son assureur, plutôt que d’accepter automatiquement l’assurance groupe proposée par la banque. Cette option ouvre la porte à des contrats plus adaptés aux situations individuelles, notamment pour les personnes ayant des pathologies spécifiques.
Des assureurs spécialisés proposent des contrats sur-mesure, prenant en compte de manière plus fine les spécificités de chaque situation médicale. Ces contrats peuvent offrir des garanties plus adaptées ou des tarifs plus avantageux pour certaines pathologies.
Garantie invalidité spécifique (GIS)
La Garantie Invalidité Spécifique (GIS) est une alternative proposée dans le cadre de la convention AERAS lorsque la garantie invalidité standard ne peut être accordée. Cette garantie couvre l’invalidité à partir d’un taux d’incapacité fonctionnelle de 70%, offrant ainsi une protection aux personnes qui ne peuvent bénéficier des garanties classiques.
La GIS représente souvent une solution intéressante pour les personnes atteintes de maladies chroniques ou ayant des séquelles de pathologies graves, leur permettant d’accéder à une couverture adaptée à leur situation.
Assurance du co-emprunteur en bonne santé
Dans le cas d’un emprunt à deux, une stratégie peut consister à assurer principalement ou uniquement le co-emprunteur en bonne santé. Cette approche peut faciliter l’obtention du prêt et réduire le coût global de l’assurance. Cependant, elle comporte des risques et ne convient pas à toutes les situations.
Il est essentiel d’évaluer soigneusement les implications à long terme de cette stratégie, notamment en termes de protection du patrimoine familial en cas de décès ou d’invalidité de l’emprunteur non assuré.
Garanties alternatives : caution, hypothèque, nantissement
En l’absence d’assurance emprunteur, ou en complément de celle-ci, d’autres formes de garanties peuvent être envisagées. La caution personnelle, l’hypothèque sur un bien immobilier ou le nantissement d’un contrat d’assurance-vie sont des options fréquemment proposées par les établissements bancaires.
Ces garanties alternatives présentent leurs propres avantages et inconvénients. Par exemple, une caution implique l’engagement d’un tiers, tandis qu’une hypothèque peut affecter la capacité future à emprunter. Il est crucial d’en comprendre les implications avant de les mettre en place.
Dispositifs d’aide pour faciliter l’accès à l’assurance emprunteur
Pour améliorer l’accès à l’assurance emprunteur des personnes malades, plusieurs dispositifs d’aide ont été mis en place au fil des années. Ces mécanismes visent à réduire les obstacles financiers et administratifs liés à l’assurance de prêt.
Droit à l’oubli pour les cancers et l’hépatite C
Le droit à l’oubli est une avancée majeure pour les personnes ayant été atteintes d’un cancer ou d’une hépatite C. Ce dispositif permet de ne plus avoir à déclarer ces maladies dans le questionnaire de santé après un certain délai suivant la fin du protocole thérapeutique. Pour les cancers, ce délai est actuellement de 5 ans, et pour l’hépatite C, il est fixé à 48 semaines après la fin du traitement en l’absence de rechute.
Ce droit facilite considérablement l’accès à l’assurance aux conditions standard pour de nombreux anciens malades, leur permettant de tourner la page de leur maladie y compris dans leurs démarches financières.
Fonds de garantie AERAS pour les surprimes
Le fonds de garantie AERAS a été créé pour aider les emprunteurs aux revenus modestes à faire face aux surprimes d’assurance liées à leur état de santé. Ce fonds intervient sous certaines conditions de ressources et pour des prêts immobiliers destinés à l’acquisition d’une résidence principale.
L’intervention du fonds permet de plafonner le montant des surprimes, rendant l’assurance plus accessible pour les personnes qui, autrement, pourraient être exclues du crédit en raison du coût prohibitif de l’assurance.
Mécanisme d’écrêtement des surprimes
Le mécanisme d’écrêtement des surprimes est un dispositif complémentaire qui vise à limiter le coût de l’assurance pour les emprunteurs aux revenus modestes. Il s’applique aux prêts immobiliers liés à l’acquisition d’une résidence principale et aux prêts professionnels, sous certaines conditions.
Ce mécanisme plafonne le montant de la surprime d’assurance à un pourcentage du revenu de l’emprunteur, permettant ainsi de rendre l’assurance plus abordable pour les personnes présentant un risque aggravé de santé.
Les dispositifs d’aide tels que le droit à l’oubli et l’écrêtement des surprimes ont significativement amélioré l’accès à l’assurance emprunteur pour de nombreuses personnes malades, mais des disparités persistent selon les pathologies et les situations individuelles.
Recours en cas de refus d’assurance de prêt
Malgré les progrès réalisés, certains emprunteurs se voient encore refuser une assurance de prêt en raison de leur état de santé. Dans ces situations, plusieurs voies de recours sont possibles.
Saisine du médiateur de l’assurance
Le médiateur de l’assurance peut être saisi en cas de litige avec une compagnie d’assurance. Cette démarche gratuite permet souvent de trouver une solution amiable à des différends liés à l’application du contrat d’assurance ou à un refus d’assurance.
Pour saisir le médiateur, il est nécessaire d’avoir préalablement épuisé les voies de recours internes auprès de l’assureur. Le médiateur examine alors le dossier de manière impartiale et propose une solution de règlement.
Commission de médiation AERAS
La Commission de médiation AERAS est spécifiquement dédiée aux litiges relatifs à l’application de la convention AERAS. Elle peut être saisie par les emprunteurs qui estiment que les dispositions de la convention n’ont pas été correctement appliquées dans leur cas.
Cette commission examine les dossiers individuels et peut faciliter le dialogue entre l’emprunteur, son médecin et le médecin-conseil de l’assureur. Elle joue un rôle important dans la résolution des situations complexes et dans l’amélioration continue des pratiques.
Actions en justice : jurisprudences récentes
En dernier recours, certains emprunteurs choisissent d’engager des actions en justice pour contester un refus d’assurance qu’ils estiment discriminatoire. Ces dernières années, plusieurs décisions de justice ont contribué à faire évoluer les pratiques des assureurs.
Par exemple, des jugements ont condamné des assureurs pour discrimination liée à l’état de santé, notamment dans des cas où le refus d’assurance n’était pas suffisamment motivé ou reposait sur des critères obsolètes au regard des progrès médicaux.
Perspectives d’évolution de l’assurabilité des personnes malades
L’assurabilité des personnes malades est un domaine en constante évolution, influencé par les progrès médicaux, les changements réglementaires et les innovations du secteur de l’assurance.
Les avancées médicales, notamment dans le traitement des cancers et des maladies chroniques, ouvrent de nouvelles perspectives pour l’assurance des personnes présentant un risque aggravé de santé. On peut s’attendre à ce que la grille de référence AERAS continue de s’élargir, intégrant de nouvelles pathologies et réduisant les délais d’accès à l’assurance standard pour certaines maladies.
L’évolution des technologies, en particulier dans le domaine de l’ intelligence artificielle et du big data , pourrait également transformer l’approche des assureurs dans l’évaluation des risques. Ces technologies pourraient permettre une analyse plus fine et personnalisée des profils de risque, ouvrant potentiellement la voie à des offres d’assurance plus adaptées et inclusives.
Par ailleurs, on observe une tendance croissante vers des produits d’assurance plus flexibles et modulaires. Certains assureurs développent des offres permettant aux emprunteurs de personnaliser leur couverture en fonction de leurs besoins spécifiques, plutôt que d’adopter une approche « tout ou rien ». Cette évolution pourrait ouvrir de nouvelles possibilités pour les personnes présentant des profils de risque complexes.
Enfin, la pression réglementaire et sociétale pour une plus grande inclusion financière devrait continuer à influencer le marché de l’assurance emprunteur. On peut s’attendre à de nouvelles initiatives législatives visant à renforcer les droits des emprunteurs malades et à encourager l’innovation dans ce domaine.
L’avenir de l’assurabilité des personnes malades semble prometteur, porté par les avancées médicales, technologiques et réglementaires. Cependant, il reste essentiel de maintenir un équilibre entre l’accessibilité de l’assurance et la viabilité économique des modèles assurantiels.
En conclusion, bien que des progrès significatifs aient été réalisés dans l’accès à l’assurance emprunteur pour les personnes malades, notamment grâce à la convention AERAS et ses évolutions, des défis persistent. Les alternatives et dispositifs d’aide existants offrent des solutions concrètes, mais il est clair que le domaine continue d’évoluer. Les perspectives futures, alimentées par les progrès médicaux et technologiques, laissent entrevoir un paysage de l’assurance emprunteur plus inclusif et adapté aux réalités diverses des emprunteurs présentant un risque aggravé de santé.